Hope Larson - Gray horses (Oni press, USA, 2006)
Noémie quitte la France pour
étudier les Arts en Indiana, à Onion City,
ville jumelée à sa ville de Dijon. Elle
emménage dans un petit appartement sur Montpelier avenue.
Elle fait la connaissance de Anna à l'univesrité. Anna vit
près de chez elle, au-dessus de la boulangerie familiale. Le jour,
Noémie découvre son nouvel environnement,
elle croise souvent un mystérieux photographe. La
nuit, elle devient le cheval du papier peint de sa chambre, ce cheval
vient à l'aide de Marcy, une petite fille qui fuit un
incendie...
Dans ce 2e. ouvrage, rêve et
réalité interagissent,
révèlent et construisent le destin de
Noémie. Hope
Larson nous parle également du
dépaysement. Elle respecte la langue
utilisée par Noémie : anglais pour communiquer ;
français dans ses pensées et ses rêves
(avec dans ce cas, la traduction en double [nb : une
traduction assurée en partie par Mr. Hinah...]).
Comme dans 'Salamender's dream', le lecteur
sent les éléments (le soleil, le froid, le vent,
le bruit d'une fontaine...) par des indications visuelles ou par des
onomatopées. 'Gray horses'
est publié en bichromie, orange pâle et noir (et mauve pour la
couverture nocturne), des plus réussi. Hope Larson
maîtrise l'art de son récit, conjuguant onirisme
et réalité avec un dessin qui respire ses propos.
A vous de chevaucher ce 'Grey horses', et de savoir s'il influencera
vos rêves. C'est aussi une très bonne occasion pour ceux qui seraient
frileux à
l'idée de lire un ouvrage en anglais de
franchir le pas .
[31 Mai 06, Jean-Marc]
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Pierre Maurel - Michel (Employé du moi (l'), France, 2006)
Michel, reporter radio, vient de recevoir un
courrier de licenciement de la radio qui l'employait. Il continue tout de même
ce qui est sa passion : collecter et assembler des sons et des interviews pour
des reportages radio où il reste seul maître à bord. Pour
cela, il doit accepter des petits boulots d'intérim, où ironie
de la vie il se retrouve manutentionnaire de matériel sonore, jusqu'à décrocher
un poste fixe, vendeur de ce même genre de matériel. Il doit puiser
au plus profond de lui-même pour trouver l'énergie nécessaire à son
reportage radio...
Pierre Maurel nous présente
un personnage dans la difficulté de
vivre sa passion. Michel nous parle aussi du monde du travail (et
du non-travail), chose rare dans la bande dessinée, sujet que le
dessinateur avait déjà abordé
dans 'Buck' (6 pieds sous terre, 2005). Le dessinateur maîtrise
très bien le rythme de son récit et fait rentrer le son dans son
dessin. Le lecteur est plongé dans l'univers sonore de Michel...
Il revient à la réalité en même temps, souvent brutalement
par la sonnerie du portable... (Ironiquement 'born to be alive'). Le
livre est autant à regarder, à lire
qu'à écouter, tout ceci pour un prix très amical, publié dans
la collection 'pour soi' de l'employé du moi. [25 Mai 06, Jean-Marc]
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Nadja - Comment ça se fait (Cornélius (éditions), France, 2006)
Nadja est bien connue
dans l'illustration pour la jeunesse avec de nombreux ouvrages, parmi lesquels
'chien bleu'. En adaptant une nouvelle de Henry James,
dans 'le menteur' (Denoël), et avec d'autres ouvrages chez Cornélius ('comment
faire des livres pour les enfants', 'celles que j'ai pas fumées'),
elle entre dans le milieu de la bande dessinée 'adulte'. Elle change
de format en passant de la petite taille des ouvrages 'Raoul' à
la plus grande collection 'Pierre'.
Les caractères de ce roman graphique sont tous
des ours vivant en milieu urbain. Nos plantigrades évoluent dans la sphère
artistique, et le personnage principal (N., son nom n'est évoqué que
dans la dernière case...) fait
de la peinture qu'elle entasse dans son atelier. Un de ses amis, Paul lui propose
de lui écrire un scénario pour un film avec quelques idées
de bases qui vont la poursuivre jusque dans ses rêves. Faut-il écrire
ce scénario ? Faut-il démarcher les galeries ? Faut-il se plonger
dans la réalité pour peindre ? Faut-il exposer pour être peintre
? ... 'Comment ça se fait' que les personnages plantigrades
se posent ce genre de question ou plutôt 'comment ça se fait' que
l'on se les pose, car sous le caractère entomologiste de l'histoire, c'est
bien de la nature humaine dont il s'agit et de questions existentielles.
Au niveau graphique, on devine les coups de pinceau
(de pattes ?) de gouache dans le dessin. On apprend dans la biographie présentée
dans un rabat de couverture, que Nadja peint également...
et l'on peut se demander s'il ne s'agit pas d'une mise en abyme de l'auteur.
Où se
trouvent les frontières
de la fiction et de l'autobiographie... mais toute oeuvre artistique ne contient-elle
pas une part autobiographique ; voilà encore
une nouvelle question ! À vous d'y répondre en compagnie de ces
ours. [17 Mai 06, Jean-Marc]
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Seth - Wimbledon Green (Seuil (le), Canada, 2006)
Dessiner régulièrement dans
ses carnets une histoire à tiroirs multiples autour d'un
même personnage ("une approche qui consiste
à raconter, par le biais de plusieurs histoires courtes et
sans rapports entre elles, une histoire plus longue. La somme des
parties est alors supérieure au tout" nous dit
l'auteur dans une préface qu'il
préférerait que l'on lise en postface), tel est
l'exercice que s'est imposé Seth,
reprenant un procédé utilisé chez Chris
Ware ou Daniel
Clowes. Le travail
réalisé sort de ses carnets, à peine
retravaillé, pour ce petit album bien attachant.
Le dessinateur canadien nous parle des
collectionneurs de comics, en particulier l'insaisissable et
mystérieux Wimbledon Green,
qualifié de plus grand collectionneur du monde. D'autres
collectionneurs obsessionnels et des libraires évoquent ce
personnage que l'on suit aussi directement, notamment dans 'Green
ghost', une quête épique d'un comics
oublié. Seth
s'amuse beaucoup dans ces galeries de personnages, sans
scrupules quand il s'agit de rassembler une série
complète. Le livre va plus loin, en parlant de lui, lecteur
de comics dans sa jeunesse, mais aussi de nous lecteurs (de livres au
delà des comics). On retrouve la même
évocation nostalgique de ses autres ouvrages ('Clyde
fans', 'Palooka ville' ou 'la vie
est belle malgré tout' qui parlait aussi de la
passion des comics [nb : une nouvelle édition est sorti au Seuil]).
La couleur utilisée est d'ailleurs un vert passé,
vieilli prématurément. Puisque nous sommes dans
la fabrication de l'objet, admirons la couverture embossée
(relief) recouvert d'une dorure et les coins arrondis. Le lettrage
n'est pas aussi soigné, débordant trop souvent
des cases... seule fausse note de l'éditeur
français par rapport à la version originale
sortie chez Drawn
& Quarterly... à moins qu'il ne
s'agisse d'une ruse pour gonfler la côte d'ouvrages
imparfaits que rechercheront les collectionneurs ! Ne gâchons
pas notre
plaisir, ce livre est jubilatoire et indispensable non seulement dans
les librairies comme l'indique une des notes accrochées au
bandeau en 4e de couverture, mais dans toutes les
bibliothèques.
[08 Mai 06, Jean-Marc]
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