Dans le South Central de Los Angeles, les habitants sont latinos
ou noirs. Les jeunes noirs portent plutôt des pantalons amples, type baggy
et écoutent du hip-hop, les latinos portent eux des jeans serrés,
font du rock (énergique) et sont fans des Ramones ;
d'où l'expression utilisée pour le titre, 'Wassup rockers' ("what's
up rockers ?") qui ponctuent les rencontres entre les deux communautés.
Une bande de copains latinos (ne les appelez pas Méxicains,
ils vous répondront à juste titre, Guatémaltèque,
Nicaraguéen, etc), Jonathan, Kiko, Milton, Portky, Eddie, Louie et Carlos veulent
aller tester leurs planches de skate dans les escaliers sur les pentes de Beverly
Hills. La vieille voiture remplie à ras bord jusqu'au coffre est vite
stoppée par deux policiers. L'un d'eux a beau avoir vu les Ramones en
concert, il immobilise la voiture et oblige la troupe de skateurs à continuer
en bus ... Ce ne sont que les débuts des galères de notre équipée...
Larry Clark filme
ces jeunes latinos de manière très naturelle. Le film débute
comme un documentaire, avec une séquence qui pourrait également
figurer dans une installation vidéo, Jonathan filmé avec
deux caméras en écran partagé qui parle de lui. La première
partie du film est-elle quasiment un sitcom (invitation aux fêtes, scènes à l'école,
répétitions musicales) pour poser les personnages des sept compères.
Quant à la seconde partie, c'est la chevauchée sauvage dans Beverly
Hills... En fait, plutôt que d'une référence western, il
faudrait parler d'un film de Frank Perry, 'the swimmer' (1968),
où un personnage passait de piscine en piscine... Des piscines aux skateurs,
il n'y a qu'un petit saut quand on sait que ces derniers squattaient les piscines
vidées des riches propriétés de la célèbre
colline de Los angeles aux débuts du mouvement.
Larry Clark est en terrain
connu pour ce qui concerne le milieu adolescent et la culture skate qu'il a toujours
photographié puis filmé depuis 'Kids' en 1995. C'est d'ailleurs
en reportage photographique qu'il a remarqué deux de ces jeunes latinos
habillés d'une drôle de façon, et qu'il a découvert
le ghetto de South Central, et se met en danger dans ce milieu inconnu et débordant
d'énergie. Les scènes sont parfois improvisées, certaines écrites
selon des témoignages des jeunes acteurs. On sent aussi le plaisir amusé qu'il
a pris dans sa galerie de personnages de Beverly Hills (un styliste qui voit
tout en rose et qui est effrayé lorsque Kiko porte un masque de
catcheur méxicain de sa collection d'Art, un réalisateur qui dégaine
[certes moins vite que son ombre...] etc).
Larry Clark saisit aussi
la configuration de Los Angeles, superbement rendue dans la séquence de
fin, au retour au bercail accompagné par un morceau calme de Mogwaï ;
le retour d'Ulysse avec ses guerriers à Itaque après leur Odyssée à Beverly
Hills, en revenant par la station Rosa Parks, tout un symbole...
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