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illustration
Toniduran |
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Man est un groupe
nantais
bicéphale, composé de Rasim
Biyikli (piano, xylophone,
guitares, voix ...) et de Charles-Eric
Charrier (basse acoustique, guitare,
samples, voix ...). Ces quatre mains façonnent une musique singulière
avec une large palette d’instruments
(du traditionnel à l’électronique, parfois des jouets
musicaux) ou de
sons samplés (dialogue de films, une bille qui roule sur du parquet,
la clochette d’un tramway, le bruit de la pellicule qui se déroule
sur un projecteur 8mm ... ). Le climat des morceaux est le plus
souvent introspectif, un climat dans lequel l’auditeur s’immerge
complètement. Man est
de retour avec un 3ème
album, Helping hand, composé pendant
la canicule de l’été 2003, signé sur le prestigieux
label bruxellois Sub Rosa.
Evoquons avec Charles-Eric Charrier ce
disque et l’univers de Man :
[le zata] La création à deux apparaît
souvent comme mystérieuse
(voir les frères Dardenne, les frères Coen au cinéma
ou Dupuy & Berberian dans la bande dessinée). Comment
se passe la création à deux,
est-ce que les tâches sont
réparties ou chacun participe-t-il à la totalité de
la création ?
[Charles] Il n'y a pas de méthodes établies,
cela peut
être une
improvisation, une idée d'un tel ou un tel ; en l'occurrence
ce disque a été
enregistré à trois : nous deux et Anthony Taillard.
Donc
cela fusait de tous
les côtés, le seul postulat de départ était
de s'ouvrir tous les trois et
de laisser les sentiments remonter à la surface (tous les sentiments).
[z] Peux-tu nous livrer une anecdote sur
cette méthode lors
de l'élaboration en prenant l'exemple d'un titre ?
[Charles] Par
exemple sur 'Maiomie', le morceau
est parti sur une guitare de Rasim, j'ai joué une basse
puis une autre guitare, on se retrouvait avec un morceau très
simple mais l'un de nous fut frappé par la
perversité dégagée au moment où l'on a rajouté une
voix féminine, plus exactement les souffles et déglutitions.
Du coup nous avons en quelques sorte "édulcoré",
transformé le morceau car il nous dérangeait vraiment...une
horreur. C'est toujours là mais un peu moins évident.
[z] Avant Man, tu jouais avec Rasim dans
un orchestre
Dréta
Lorelie, quelle est ta
formation musicale auparavant ainsi que celle de Rasim ?
[Charles] Nous sommes tous les deux autodidactes
et avons multiplié des
aventures musicales qui nous ont formées. Mais nous passons beaucoup
de temps à désapprendre, c'est difficile.
[z] On dénote
de nombreuses influences très variées
dans la musique de Man,
avez-vous des goûts musicaux identiques (et donc très variés)
ou existe-t-il
des influences différentes que chacun apporte dans Man ?
[Charles] L'influence principale ce sont
nos vies, ensuite on aime tous les deux énormément de choses.
Comme nous sommes amis, nous partageons des découvertes respectives.
Certains disques, films, démarches nous ont marqués tous
les deux par exemple ' laughting
stock' de
Talk Talk.
[z] Man multiplie
les collaborations, dans divers domaines artistiques (bandes sons pour
le cinéma ou la télévision, pour
des chorégraphies,
avec des vidéastes comme Pierrick Sorrin, mais aussi musicales
avec
les Clogs,Sylvain
Chauveau...),
les collaborations se déroulent-elles à domicile, ou
lors de “résidences” extérieures ?
[Charles] les collaborations se passent
très souvent dans des environnements nouveaux, voir insolites,
tout comme l'enregistrement de nos disques. Ce qui
constitue des terrains vierges a investir.
[z] Peux-tu citer un exemple d'environnement insolite lors de collaboration ?
[Charles] Un blockhaus, différents appartements,
une pièce en fer.
[z] Existe t-il des collaborations souhaitées
qui ne soient pas encore
réalisées ?
[Charles] Il y a plein des collaborations
non faites mais on y travaille, un des points de départs du duo était et est l'ouverture à d'autres personnes,
c'est très
important pour nous.
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photos Dominique Demangeot |
[z] Les images des collaborations visuelles (cinéma, vidéo)
sont-elles
utilisées en projection lors des concerts ? Le duo produit t-il
aussi
ces visuels de concert ?
[Charles] Les images utilisées en
concert ont été realisées
par Rasim le plus souvent
sauf deux court-métrages la serie 'un peu d'Amour' qui
ont été réalisés par
des amis au sein de Finalement prod.. Ceci dis nous restons
ouvert là aussi
à d'autres collaborations avec des réalisateurs. Pour les films
utilisés
sur
scène nous avons par exemple collaboré avec David Zard.
[z] La musique de
Man évoque
immanquablement des images, des paysages,
des ambiances. Ces images viennent
elles avant la construction des morceaux ou pendant ?
[Charles] Très
souvent pendant, l'important pour nous étant d'être le plus
sincère, nous ne préméditons pas les choses qui
nous traversent mais nous
essayons de les laisser advenir autant qu'il soit possible.
[z] Le duo travaille beaucoup pour le cinéma, quel genre(s)
de cinémas affectionnez-vous ?
[Charles] Vraiment
beaucoup de cinéma, s'il
faut donner des noms plus que
des genres, je suis très touché par Visconti, David
Lynch,
le cinéma
asiatique, Michel Gondry et tant d'autres...
[z] Plus un cinéma
des émotions versus un cinéma
du "réel" à l'accompagnement sonore réduit,
voir inexistant [cf les Dardenne, Cassavetes etc]
) donc ?
On entend pourtant un dialogue dans '8mm' qui semble emprunté à ce
cinéma, non ?
[Charles] C'est un monologue, mais il n'est
pas emprunté au cinéma ... c'est
une performance sonore dans la rue.
[z] Quelless sont tes
références en matière
de compositeurs de bandes-son ?
[Charles] Rien de bien original : Ennio
Moriccone, la musique de 'American
beauty' que je trouve très fine, Neil Young pour 'Dead
man',
le traitement sonore chez David Lynch, les choix de Kubrick dans
tous ses films et particulièrement 'Barry Lyndon'.
[z] Existe t-il une spécificité due à votre
ville d'attachement (Nantes) qui se retrouve
dans votre travail ?
[Charles] Je ne sais pas, peut-être inconcsiemment,
ou alors la proximité de
la mer ...
[z] As-tu écouté l'album de reprises de Depeche
Mode (down to the bone) par Sylvain
Chauveau avec qui tu as collaboré et qu'en penses-tu ?
[Charles] Oui, j'aime beaucoup sa
voix, je dois dire que là il me bluffe,
c'est un très beau disque avec une appropriation des morceaux
de Depeche Mode, on dirait que c'est lui qui les a écrits.
Sans compter l'apport
de la ribambelle de gens qui ont travaillé sur ce disque. Evidemment
il y a des morceaux que je préfère à d'autres mais
c'est une vraie réussite.
[z] Comment s’expliquent
les longs mois entre la composition (été 2003),
le mixage (automne 2004) et la sortie de ‘helping
hand’ (fin
novembre 2005) ?
[Charles] Pour
une foultitude de raisons, le
plus souvent extramusicale. Ceci-dit cela nous a apporté beaucoup
de recul
par rapport à ce disque, ce qui est une forme de luxe, puis cela
nous a
permis de tenter plein de choses en postproduction.
[z] Un grand merci à Charles-Eric Charrier pour sa disponibilité. |