« Bonne-Nouvelle » c’est le nom d’un quartier de Paris. Minuscule quartier sur une minuscule butte, à l’ouest de la porte Saint-Denis, entre le Grand Rex et la rue Saint-Denis. D’ailleurs ce n’est pas vraiment un quartier, c’est un ensemble de rues penchées et obliques entre des quartiers plus puissants. On n’est plus vraiment sur les Grands-Boulevards, ce n’est pas tout à fait le Sentier, et ce n’est pas non plus le Faubourg Saint-Denis. Et pourtant on peut dire que c’est aussi tout ça à la fois. Au flou spatial correspond un flou temporel : ce quartier toujours relativement calme par rapport à ceux qui l’entourent semble parfois en retard de quelques décennies. On a l’impression qu’habiter Bonne-Nouvelle, c’est ne pas être fixé quelque part, c’est dominer la ville et ne pas y être. Comme habiter dans un port.

    Vincent Dieutre a filmé le quartier. Sur les images, il a collé de courts récits dont l’action se situe à Bonne-Nouvelle. Bien que les récitants soient alternativement des hommes et des femmes, on suppose que ce sont des épisodes de la vie de Dieutre qui sont donnés. Comme des extraits de son journal. Le cadrage très subtil, absolument anti-effet carte postale, les lents panoramiques, le montage qui répond en décalé aux récits intimes de Dieutre, tout cela respecte l’atmosphère mystérieuse propre au quartier. L’hypersensibilité critique et pudique de l’auteur s’accorde à l’esprit des lieux et on comprend quand il dit qu’il « ne pourrait pas vivre ailleurs ». Un drôle de film donc, sous la forme d’un parcours psycho-géographique en hommage à un morceau de ville.