Esther Kahn vit dans une famille d'émigrants juifs
dans l' East-End de Londres à la fin du XIXème siècle. Enfant
et adolescente elle observe la dure vie de son père tailleur (Laszlo
Szabo). Son existence est solitaire et muette. Alors que tout le monde
s'amuse au bal, elle se refuse aux prétendants cavaliers et préfère
le plaisir solitaire aux avances de son fiancé.
Les scènes de cette 1ère partie, l'éducation
d'Esther, sont ponctuées par des fondus en iris empruntés
au cinéma muet, à l'image du personnage.
Au début de son âge adulte, Esther Kahn décide
de fuir la dure réalité de l'usine pour les feux de la rampe. De
ses observations, elle pouvait en tirer des imitations qui lui permette de se
lancer sur scène dans des rôles de figuration. Nathan, un
vieil acteur (Ian Holm) lui propose alors
des cours pour progresser dans son jeu. Son enseignement s'achève avec
un dernier conseil, vivre les situations pour pouvoir les jouer. La chose est
nouvelle pour Esther Kahn, elle qui restait jusque là en marge
de la vie.
Elle jête son dévolu sur Philippe Haygarth,
un critique de théâtre qui poursuit l'éducation d'Esther là où Nathan ne
pouvait plus rien faire... Elle progresse encore dans son jeu, et obtient alors
un premier grand rôle dans une compagnie prestigieuse... Mais elle doit
affronter en même temps de nouveaux sentiments, la jalousie et les blessures
d'une rupture...
Arnaud
Desplechin adapte avec Emmanuel Bourdieu ,
une nouvelle d'Arthur Symons, un auteur
anglais tombé dans les oubliettes. Il se sont également inspirés
de 'l'enfant sauvage' de François
Truffaut, Esther Kahn possédant des traits de caractères
similaires.
Suivant la tendance actuelle, Arnaud Desplechin tourne
un film d'époque, en costumes, comme Olivier
Assayas et
ses 'destinées sentimentales', ou encore Patricia
Mazuy avec 'Saint Cyr'. Il signe là son 3ème
film en 12 ans (à chaque fois sélectionné pour Cannes...).
Les scènes de théâtres sont superbes, le son coupé,
l'héroïne vue de dos face au public. Le film révèle
une actrice remarquable, Summer Phoenix que
l'on devrait revoir, c'est certain !
En filmant le théâtre et l'apprentissage d'Esther Kahn, il
filme aussi la vie. On ne peut s'empêcher de penser à 'Opening
Night' de John Cassavetes, autre
film sur ce sujet. Les difficultés d'Esther Kahn à jouer
la scène finale, allant jusqu'à se mutiler (alors qu'au début
du film elle éliminait toutes ses blessures apparentes...) rappellent
les mêmes difficultés de Gena Rowlands et
une même fuite à l'aide de l'alcool. Ces 2 films sur le théâtre
sont poignants et marquent à jamais la difficulté de jouer, qui
n'est autre que de la vie mise sur scène...
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