 Alexandre De Mothé - Du sang sous le sapin (sc. P.Vanderhayden) (Employé du moi (l'), Belgique, 2009)
Peu avant Noël, un double meurtre
d'adolescents sème le trouble dans une petite ville
côtière. Le commissariat est
décimé par une
hécatombe d'intoxication alimentaire. Le capitaine de Police
doit faire appel à contre coeur à l'inspecteur Klaus,
un inspecteur au placard, doublé d'un partenaire fou de la
gachette, affublé d'une moustache mexicaine et d'un nom
nippon, Nakamura. Nos deux hommes vont devoir
trouver qui se cache derrière le costume du père
Noël, pris sur le caméscope des deux jeunes
victimes ...
Voilà une histoire que l'on sent
loufoque et burlesque (j'espère que mon introduction l'aura
traduit !). Elle l'est du début à la fin, avec
des emprunts à de nombreux genres très
différents. Le mélange intègre par le
cinéma trash (style production Trauma),
les séries tévés policières
(Starsky & Hutch, les deux flics
à Miami ... à moins que cela ne soit
les deux flics à Ostende ?),
l'irrévérence d'un South Park,
mais aussi la romance (les malheurs amoureux de l'inspecteur Klaus
qui s'imbriquent dans le récit policier), avant que cela ne
finisse en conte de Noël ...
On doit cette bande dessinée non
identifiée dans le paysage balisé du 9e Art
à un duo belge. Les personnages aux grands yeux et les
décors aux motifs hachurés sont
dessinés par Alexandre
de Mothé, membre du collectif
bruxellois "nos restes", avec une parenté
de trait avec Estocafich.
Le scénario est l'oeuvre de Philippe
Vanderheyden qui a déjà
collaboré avec David
Libens (sur ‘les dunes’)
et Claude
Desmedt. Il est
également une cheville ouvrière de
l'employé du Moi, étant impliqué dans
le site web ainsi que la radio Grand Papier.
‘Du sang sous le sapin’
dégouline d'originalité et de second
degré, à déguster dans son jus, rouge
et noir.
[28 Janv. 10, Jean-Marc] 
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 Cole Johnson - Hush-Hush (Employé du moi (l'), USA, 2009)
Cole
Johnson ne sera pas inconnu pour les plus
fidèles du zata, il signait une couverture il y a
près de 3 ans. Le travail de ce dessinateur
américain peut enfin toucher un plus large public
francophone, avec ‘hush-hush’,
un recueil d'une quinzaine d'histoires courtes
éditées par les têtes chercheuses (et
avisées) de l'Employé du moi (Max
de Radiguès est d'ailleurs actuellement
au Center for Cartoon Studies dans le
Vermont).
Ces courts récits nous parlent de
relations humaines, le plus souvent des ruptures et échecs
amoureux, plus généralement de la
difficulté à l'autre et la non moins difficile
situation de l'absence, bref de la difficulté d'exister. Il
n'est pas rare que Cole
Johnson se place d'un point de vue
féminin, et n'oublie pas de s'interroger sur sa condition de
dessinateur, "est-ce le meilleur média pour
s'exprimer ...". A cette question, on ne peut que
répondre par l'affirmative : on immerge
très bien dans ces histoires, dans les méandres
des pensées des personnages, des
rêveries. La sensibilité de l'auteur
transparaît à chaque page. Le dessinateur utilise
une mise en case originale, éclatant un dessin global en
plusieurs cases où le temps avance (plus facile à
lire qu'à expliquer !).
Son trait fin peut faire penser à celui
de John
Porcellino, avec l'usage ici de couleurs souvent
des teintes pastel pour marquer une certaine mélancolie.
Tout comme ce dernier, la nature joue un rôle primordial
(plus à travers les parcs des villes, que la nature
sauvage). Avec quelques éléments simples, le
décor est très vite planté, et de
nombreuses sensations passent par le dessin (le froid, le vent, et la
musique omniprésente).
‘Hush-hush’ se
révèle un bijou de poésie
graphique, de haïku étant donné
la taille des récits et l'économie de moyens. On
pourra écouter en bande sonore le ‘too
shy, hush-hush I do I’ des Kajagoogoo,
non plutôt des morceaux mélancoliques comme Dakota
Suite. Mais chut chut, le mieux est encore
d'écouter la musique du dessin de Cole
Johnson.
[27 Dec. 09, Jean-Marc] 
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 Eric Drooker - Flood ! (Tanibis, USA, 2009)
Malgré sa grande réputation aux USA,
son pays d'origine, ‘Flood
!’, initialement sorti en 1992 (dans sa
1e. édition, au nombre de trois), n'avait pas encore connu
d'édition française. Tanibis
corrige cet oubli, avec pour nous le présenter, avec en soutien une
introduction enthousiaste de Art
Spiegelman, insistant sur le pouvoir graphique. Il
faut dire que ‘flood !’ comporte
très peu de mots, le message passe dans le dessin. Son
auteur, Eric Drooker
s'est penché durant sept ans sur de la carte à
gratter pour livrer ce travail en 3 parties.
Dans ‘Home’, un
travailleur découvre son usine fermée. ‘L’,
nom d'une ligne de métro qui traverse Manhattan
d'est en ouest, est une plongée dans les abysses de la
ville. Dernier chapitre ‘Flood !’
est une mise en abîme du dessinateur que l'on
découvre à sa planche à dessin ...
bientôt victime du déluge qui s'est abattu sur la
ville, avant un dénouement qui nous renvoie au commencements
(le chapitre de Noé ... voir justement l'adaptation de
‘la Génèse’
par Robert
Crumb !). Petit à petit, le dessinateur
se dévoile à travers ce personnage
traversant de toute part New-York.
L'inspiration graphique de Eric
Drooker est à chercher du
côté des gravures sur bois de Frans Masereel,
notamment de ‘la ville’ vu le sujet. L'auteur
américain introduit la couleur de l'eau dans les noirs
denses de la carte à gratter sur la dernière
partie. Lui même aura inspiré d'autres
dessinateurs, comme Brad
Teare pour ‘Cypher’, publié
en 1997, preuve supplémentaire que ‘flood
!’ est à considérer comme un classique.
Alors plongez sans retenue dans ces récits, et laissez-vous
submerger par la richesse graphique. A noter que depuis (1992), Eric Drooker
a publié d'autres ouvrages, dont un 2e roman graphique, ‘blood
song’ et travaille actuellement des
séquences animées destinées
à un
long-métrage sur Allen
Ginsberg prévu en 2010 (imdb)
[18 Nov. 09, Jean-Marc] 
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 Younn Locard - H27 (Employé du moi (l'), Belgique, 2009)
Yves rentre de Chine pour
rejoindre ses colocataires et amis dessinateurs à Bruxelles.
Après quelques signes inquiétants
(l'élection de Sarkosy en France, euh la
disparition mystérieuse d'oiseaux), le chaos envahit la
capitale belge, touchée par un virus, le ‘H27’
...
Habilement, l'auteur nous glisse vers le drame,
vers l'horreur. Partant d'une réalité
concrète, les élections
présidentielles françaises de 2007, l'intrusion
du virus nous paraît du coup très concret,
renforcé par l'actuel H1N1. Ce dernier n'était
pas encore présent lorsque Younn
Locard a commencé son
récit en octobre 2007, il s'agissait alors du SRASS qui
avait sévi en Asie (d'où rentre Yves).
‘H27’ se
révèle être un scénario
catastrophe, mais une catastrophe (de plus en plus) plausible. ‘H27’
nous donne à réfléchir
également sur la réaction de groupe ; la
solidarité du collectif de dessinateur
s'émiette avec l'épidémie. Un autre
thème tourne autour de la réaction de
nos gouvernements (celui-ci quitte la capitale pour Anvers, comme dans ‘les
derniers jours du monde’ des frères
Larrieu dans la même
thématique, plus apocalyptique) et de la presse.
‘H27’
avait été publié sur les deux ans de
sa gestation sur GrandPapier et se
matérialise désormais,
agrémenté de quelques passages. Younn Locard,
diplomé de l'école de dessin de Saint-Luc
(Bruxelles) utilise un dessin noir et blanc vif et spontané,
proche d'un carnet (pas de cases représentées,
quelques bulles, mais le plus souvent des commentaires). Avec
différents styles, un trait fin, des hachures ou encore des
parties au lavis, on pourra juste regretter les différences
graphiques des personnages au fil du récit (pas facile de
garder une constance sur deux ans). Mieux que l'actualité
des journaux, ‘H27’
vous ouvrira plus l'esprit, sauf pour les hypocondriaques qui
doivent passer leur chemin.
[25 Oct. 09, Jean-Marc] 
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