Apichatpong Weerasethakul - Syndromes and a century (Thaïlande, 2007)
Avec ‘Syndromes and a
century’, Apichatpong
Weerasethakul reprend une construction en deux parties et
clôture sa trilogie de dualités. Nous
passons ici de la campagne à la ville, d'une nature
verdoyante à une froideur blanche, du passé au
présent, du rustique au high-tech ... La trame narrative, si
l'on peut qualifier ainsi la trame d'un film qui se situe plus au
niveau des émotions et des sensations, tourne autour de deux
hôpitaux, l'un de campagne, l'autre urbain. Certains
personnages traversent les années et les parties du film,
comme un moine bouddhiste persécuté dans son
sommeil par des gallinacés. Certaines scènes sont
rejouées avec les mêmes dialogues, dans des
cadres différents. Il est question de karma, et de
ré-incarnation, comme dans ses
précédents films. Ici, un dentiste, chanteur de
variété à ses heures
perdues, croit reconnaître son frère revenu sous
les habits d'un bonze
apprenti DJ.
Le spectateur sera d'abord frappé par
la beauté plastique du film (visuelle et sonore) puis
construira son propre film, à partir des situations de
'déjà-vu'. Chacun fera son film. Apichatpong
Weerasethakul nous surprend avec des situations
étranges, inattendues ou décalées,
à l'image d'une séance de step-gymnastique sur un
titre pop, ou encore de la dégustation d'une
bouteille de whisky cachée dans une prothèse
médicale. Le réalisateur ouvre ses souvenirs
(certains éléments sont relatifs à ses
parents) et par jeu de miroir, ouvre notre imaginaire. [31 Juil. 07, Jean-Marc]
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Tsaï Ming-Liang - I don't want to sleep alone (Taïwan, 2007)
Des travailleurs bengalis à
Kuala Lumpur, des
logements taudis, un malade aphasique sous perfusion, une
employée de bar et accessoirement aide soignante, logeant
dans un grenier, le chantier interrompu d'un immeuble qui prend
désormais l'eau, un matelas
récupéré
à l'autre bout de la ville, un feu de forêt
gigantesque
provoquant une épaisse fumée en ville...
Voilà
quelques éléments de ‘I
don't want to sleep
alone’. Le film reprend la structure en
morceaux qui s'assemblent, le morceau étant exclusivement
un plan fixe souvent étiré dans le
temps. Tsaï
Ming-Liang, exilé
à Taïwan, revient dans son pays d'origine, la
Malaisie. Il
fait le voyage avec son acteur fétiche Lee Kang-Sheng.
Il ne
manque pas d'épingler le gouvernement, le matelas
étant
une référence à une affaire de
corruption, étant porté au tribunal comme
pièce à conviction !
Un sans-abri muet erre dans la ville. Mal lui en prend de suivre
un arnaqueur, sans un sous pour payer les soi-disant bons
numéros du loto, il se fait rosser. Il est recueilli par un
groupe de bengalis transportant un matelas dans leur taudis ...La suite
ne manque pas de liquides sous de nombreuses formes (sueurs,
sécrétions, eau de lavage, fuites, etc). Nous
sommes bien
chez Tsaï
Ming-Liang. Les dialogues sont rares, le rythme
lent et les êtres souvent seuls ; avec toutefois un espoir
plus marqué ici, avec une envolée lyrique en
guise de final.
[10 Juil. 07, Jean-Marc]
1 autre article sur Tsaï Ming-Liang : • Et là bas, quelle heure est-il ?
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Raphaël Nadjari - Tehilim (France, 2007)
Le marseillais Raphaël
Nadjari poursuit sa série
israélienne, après la trilogie new-yorkaise.
Après ‘Avanim’
(2004), tourné à Tel Aviv, il filme à
Jérusalem la famille Frankel,
confrontée
à la disparition aussi soudaine que mystérieuse
du père Eli. ‘Tehilim’
(psaumes) est construit autour de Menahem,
le fils aîné, délaissant ses amis
lycéens pour glisser vers son
grand-père paternel qui étudie le talmud et son
oncle. Sa mère Alma
s'inquiète de cet intérêt religieux,
veut
préserver son jeune fils David et
s'isole de sa belle famille.
On retrouve les thématiques
de Raphaël
Nadjari,
la famille, l'isolement et la judéité. Il sait
aussi faire rentrer le
spectateur dans l'histoire et les lieux comme peu de
réalisateurs. Il
faut aussi souligner la musique, ici de Nathaniel
Mechaly, toujours importante et
intégrée dans les films de Nadjari.
Après avoir été
sélectionné
à Cannes pour un certain regard et la quinzaine des
réalisateurs, Nadjari
accédait à la sélection
officielle avec ‘Tehilim’.
[18 Juin 07, Jean-Marc]
2 autres articles sur Raphaël Nadjari : • Apartement #5C • I am Josh Polonski's brother
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Sarah Polley - Loin d'elle (Canada, 2007)
Fiona
et Grant sont mariés depuis 45 ans. Il y
a 20 ans, Grant avait quitté
l'Université où il enseignait pour sauver son
couple après une liaison avec une étudiante. Une
nouvelle épreuve les touche, la maladie d'Alzheimer de Fiona.
Elle décide de partir en maison
spécialisée. Fiona se
rapproche d'un autre pensionnaire ... Grant est du
genre persévérant, et ne s'éloigne pas
pour autant ... bien au contraire ...
La maladie est abordée à
travers l'histoire de ce couple, loin d'un seul aspect clinique. Le
film avance entre un présent et des flash-backs, reprenant
la fragmentation de la mémoire. Le spectateur tisse
l'histoire complète au fur et à mesure. Les
thèmes, un couple dans un âge avancé,
la mort approchant, la culpabilité, renvoient aux films d'Ingmar Bergman.
‘Loin d'elle’ nous vient du
Canada, d'une comédienne de 29 ans réalisant son
1er long métrage, Sarah
Polley. Son parcours de comédienne
avait commencé à 4 ans, avec ‘les
aventures du baron de Münchausen’ de Terry Gilliam,
et continue depuis avec Atom
Egoyan (‘Exotica’,
‘de beaux lendemains’), David
Cronenberg (‘eXistenZ’),
Isabelle Coixet
(‘ma vie sans moi’), ainsi que
certaines productions plus hollywoodiennes (comme ‘Dawn
of the dead’ de Zack
Snider). Sarah
Polley choisit un sujet loin d'être
évident, en adaptant une nouvelle d'Alice
Munro
(‘l'ours qui traverse la montagne’).
Elle pioche
dans une large palette de sentiments, toujours au bon instant,
accrochant larmes et sourires aux spectateurs. La
réalisatrice n'imaginait pas faire son film sans Julie Christie,
elle respire le personnage. Gordon
Pinsent est lui aussi très juste dans
son rôle. Sarah
Polley gagne son passeport de
réalisatrice de 1er ordre.
[23 Mai 07, Jean-Marc]
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