Jean-François Amiguet - Au sud des nuages (Suisse, 2005)
Tout commence par une description quasi ethnologique des personnages,
cinq amis vivants accrochés aux pentes du Val d'Hérens dans le Valais suisse
: scène de chasse au chamois, raclette, alcool de gentiane et combat de reines
(une race de vache). Léon décide ses camarades de faire
leur voyage annuel en train pour regagner Pekin via le transmogolien (Sion -
Berlin - Moscou - Ulan-Bator - Pekin). Son meilleur ami Adrien (Bernard
Verley) est le plus décidé à partir
malgré la perte de son troupeau atteint par la maladie. Le vétérinaire déclare
forfait et c'est Roger (François Morel)
, le neveu de Léon (qualifié
de benêt par les autres) parti à la ville (Genève) qui prend sa place. Petit
à petit, le groupe se réduit : Léon malade
du coeur, les frères Pralong s'inquiètant de leur chien fugueur. A partir de
Moscou, Adrien doit
supporter la seule compagnie de Roger qu'il n'apprécie guère
...
Ce rail-movie est construit autour du mutisme d'Adrien et
de l'avancée inexorable du train. La destination n'est pas celle que l'on croit,
c'est le secret d'Adrien : dans ses nuages. Le film atteind
lui aussi son but final malgré son tout petit budget, la réalisation de Jean-François
Amiguet et l'interprétation de Bernard
Verley touchent au plus juste.
Le film depuis sa sortie a voyagé dans de nombreux
festivals, à commencer par Locarno et il est plutôt rare de voir un film suisse
à l'affiche dans l'hexagone (hors mis ceux de JLG [à noter que François
Musy,
fidèle de JLG, signe le son de ce film]), autant de bonnes raisons d'aller le
voir. [28 Mars 05, Jean-Marc]
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Raymond Depardon - Profils paysans, le quotidien (France, 2005)
2ème chapitre de Profils paysans,
une trilogie qui se clôturera en 2009, "le quotidien"
poursuit le travail de "l'approche",
avec les mêmes paysans quelques années plus tard, chaque chapitre couvrant une
période de 4 ans. Le lien entre les 2 chapitres est un enterrement, symptomatique
de cette agriculture de moyenne montagne (Lozère, Ardèche et Haute Loire) que
filme Raymond Depardon. Le cinéaste
photographe pose sa caméra au bon endroit, interroge sans en absuser : le film
est toujours à la bonne distance, même avec les personnes qu'il connaît de plus
longue date. Parfois amusant (les courses de la semaine en tracteur), mais jamais
moqueur, émouvant mais jamais larmoyant, le ton est toujours juste.
"Il
faut donner la parole à des timides, à des silencieux ..." déclare Depardon.
La parole passe parfois par des silences (parfois douloureux de sens), toujours
du bon sens (une personne âgée qui répond à une dame [étrangère au village] s'interrogeant
"pourquoi je suis filmée ?", "parce que vous
êtes là ! ") ou encore des gestes quotidiens (car
le travail de la terre et des bêtes l'exige). Ce 2ème chapitre
est accompagné d'un court-métrage, "quoi
de neuf au Garet",
où il interroge son frère en train de se séparer d'une partie de la ferme familiale
déjà sujet d'un ouvrage en 1993, "la
ferme du Garet" (éd. Actes Sud), point de départ
de ses portraits de paysans. [15 Mars 05, Jean-Marc]
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Hubert Sauper - Le cauchemar de Darwin (France - Autriche - Belg., 2005)
Un poisson prédateur détruisant les autres espèces,
introduit par erreur (cela reste un mystère) dans le lac Victoria ('berceau
de la civilisation') cause des dégâts au delà de la catastrophe écologique.
La perche du Nil, cet énorme poisson est devenu un eldorado pour les
populations du pays et attire pécheurs et prostitués. Le sida décime
d'autant plus vite ces populations, laissant de nombreux orphelins qui sniffent
les emballages de poissons pour oublier leur quotidien. Les usines de conditionnement
de poisson ont fleuri aidées par les subventions de l'union européenne,
production exportée à 100% dans des avions cargos pilotés
par des équipages russes, avions qui s'écrasent parfois au mieux
dans le lac, au pire aux portes de villages. La logique voudrait qu'ils apportent
de l'aide humanitaire (le nord de la Tanzanie est victime d'une famine), mais
c'est un tout autre chargement que l'équipage avoue amener à demi
mot, des armes. Quel que soit leur niveau et lien direct ou indirect, chaque
participant de cette curieuse macro-économie se masque les yeux sur la
catastrophe écologique,
préférant tirer le profit immédiat (parfois spirituel
comme l'Eglise ...) de cette situation affligeante, devenant lui aussi un prédateur
...
La force de ce documentaire est de placer le spectateur en témoin direct, avec des images brutes de commentaires (hors mis quelques chiffres et faits indiqués en texte à l'écran), et des témoignages captés par Hubert Sauper et son équipe réduite. Ce documentaire prend au plus profond avec des images parfois insoutenables. Mais au delà des images, ce sont la situation et ses imbrications qui sont insoutenables. [08 Mars 05, Jean-Marc]
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Cinémathèque Française - Relâche prolongée (France, 2005)
Relâche prolongée pour la Cinémathèque à
partir de ce début mars jusqu'à fin septembre dans le meilleur des cas dans les
nouveaux locaux de Bercy (anciennement l'American Center qui
abritera outre 4 salles de tailles diverses un musée, des pièces d'expositions
ainsi que la Bifi [bibliothèque
du film]). Ouverte en 1963, la salle de Chaillot baisse
le rideau définitivement (et deviendra l'auditorium de la future cité de l'architecture),
tout comme la salle des Grands Boulevards (louée par l'institution
plus récemment [depuis 1997] après avoir été une salle "très spécialisée ...").
Une thématique'leur dernier film' accompagnait cette "fin de
cycle", avec la projection d'une série de derniers films de réalisateurs (Ford,
Lang, Truffaut, Mizoguchi, Kubrick, Akira Kurosawa ...), présentés par
des réalisateurs en chair et en os.
Voilà donc une page qui se tourne. Restera la séquence d'ouverture de "baisers
volés" (Truffaut, voir les photos...) pour revoir
l'entrée de la salle de Chaillot. On se tournera également
vers les documentaires "Citizen
Langlois"
de Edgardo Cozarinsky [1994] ainsi que "le fantôme
d'Henri Langlois"
de Jacques Richard qui sort cette semaine en salle (pas celles
de la Cinémathèque donc !) pour en savoir un peu
plus sur les débuts de l'institution. Reste à savoir justement si le fantôme
de Langlois arpentera les lieux
de Bercy. [1er Mars 05, Jean-Marc]
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